Le Djihad et le meurtre des innocents (2/2 )

Le Djihad et le meurtre des innocents

(Partie 2)

 



Voir : Attentat-suicide ; Crime ou martyre du Sheïkh Abd el Mâlik Ramadhânî

La vie d’un musulman n’a pas de prix !

Le Prophète (r) qui est rempli de compassion et de miséricorde envers ses partisans nous informe que la vie d’un musulman vaut plus cher que tout l’or du monde : « Auprès d’Allah, le meurtre d’un musulman est pire que la perte de toute la terre et ses richesses. »[1]

Nous trouvons l’équivalent de ce commandement dans le passage émouvant du Coran : [Quand on tue un homme non coupable d’un meurtre ni de désordre sur terre, c’est comme si on avait tué l’humanité entière, et quand on sauve la vie d’un homme, c’est comme si on avait sauvé l’humanité entière].[2] Je me demande s’il n’est pas plus éloquent que l’autre Verset : [Quand on tue délibérément un croyant, on encourt l’enfer éternel de la Géhenne, le courroux et la malédiction d’Allah qui réserve pour ce crime un châtiment terrible].[3]

Il faut savoir également que la victime aura son mot à dire juste sous le Trône du Tout-Puissant. Ibn ‘Abbâs fut interrogé sur le cas d’un meurtrier repenti, croyant, pieux, et revenu sur le droit chemin. « Comment peut-il se repentir, répondit-il, alors que j’ai entendu de la bouche de votre Prophète (r) [relatant les plaintes de la victime] : « Seigneur, demande-lui pourquoi il m’a tué ? » [Le Prophète reprenant la parole (r)] : « Allah le rapproche alors du Trône. » Puis, il récita : [Quand on tue délibérément un croyant, on encourt l’enfer éternel de la Géhenne, le courroux et la malédiction d’Allah qui réserve pour ce crime un châtiment terrible].[4] »[5]

Selon Abû Huraïra (t), le Messager d’Allah (r) a dit : « Si tous les habitants du ciel et de la terre se rendaient complice du meurtre d’un seul croyant, Allah les jetterait tous en Enfer. »[6]

Selon Abû Dardâ, le Messager d’Allah (r) a dit : « Le Jour de la résurrection, la victime d’un meurtre se tiendra agenouillée au milieu du passage dans l’attente de son meurtrier ; quand il viendra, elle s’écriera : « Seigneur, voici celui qui m’a tué !

Pourquoi l’as-tu tué, demandera alors le Seigneur au meurtrier ?
J’ai agi sous les ordres d’un tel ! »

Le meurtrier et son commanditaire seront associés dans le châtiment. »[7]

Djihâd ou fitna ?

Les actions de certains groupes sont plus à mettre au compte de la fitna que du djihâd, comme en témoigne le hadîth d’Abû Huraïra, rapporté par Muslim, et dont voici les termes : « En prenant les armes contre ma communauté, sans faire de distinction entre les bons et les mauvais, ni épargner les croyants, ni respecter les pactes de non-agression, on ne fait pas partie des miens. »[8]

Par ailleurs, en regard des grands principes de la religion, il est condamnable de manière générale de semer le désordre sur terre, et plus particulièrement de faire payer à un innocent un crime qu’il n’a pas commis : [Chacun est responsable de ses fautes, et nul ne porte le fardeau d’un autre].[9]

D’après el Bukhârî et Muslim également, selon ibn ‘Omar, une femme fut retrouvée morte sur le champ de bataille, et le Messager d’Allah (r), présent ce jour-là, condamna fermement le meurtre des femmes et des enfants.[10] On comprend de sa réaction qu’elle n’était pas venue dans l’intention de participer aux hostilités, et que rien ne justifiait de lui arracher la vie.[11]

D’après Abû Dâwûd, selon Rabâh ibn Rabî’, nous étions sortis en expédition sous les ordres du Messager d’Allah (r), qui s’interrogea sur le regroupement anormal de soldats. Il envoya un homme s’enquérir des nouvelles. Quand il revint, il lui annonça qu’une femme avait été retrouvée morte au milieu des cadavres. Il s’écria alors : « Elle n’allait pas faire partie des combattants ! » Il envoya ensuite, continua Rabâh, à Khâlid ibn el Walîd qui se trouvait en tête des troupes, un émissaire porteur du message : « Dis à Khâlid de ne tuer ni femme ni serviteur ! »[12]

Le Législateur interdit de prendre des civils pour cible

Un Verset montre le chemin à suivre quand des innocents se trouvent au milieu de criminels que les armées régulières veulent prendre pour cible : [Ce sont ces impies qui vous ont interdit l’accès à la sainte mosquée et qui ont empêché les bêtes réservées à l’offrande de parvenir à destination ; si ce n’était la présence au milieu d’eux d’hommes et de femmes croyants qu’il vous est impossible de reconnaitre et que vous risquez de prendre malencontreusement pour cible, en vous rendant ainsi coupable à votre insu, d’un vilain crime, Nous les aurions offerts à vos épées ; mais Allah donne à qui Il veut l’occasion d’entrer sous Sa Miséricorde ; si donc les croyants avaient été séparés des impies, Nous aurions infligé à ces derniers par vos mains, un châtiment terrible].[13]

Les païens s’étaient interposés entre les partisans de la foi – qui comptaient le meilleur des hommes (r) – et la sainte mosquée, et les empêchaient de retourner chez eux. Malgré cela, le Très-Haut ne leur donna pas le feu vert pour des représailles, car trop dangereux pour les musulmans restés sur place, de quoi donner à réfléchir !

En règle générale, il est interdit de s’attaquer à un groupe de mécréants mélangés à des musulmans pour éviter toute bavure.

 

En exégèse du Verset cité plus haut, ibn Kathîr souligne : « [si ce n’était la présence au milieu d’eux d’hommes et de femmes croyants] : Il s’agit des mecquois qui cachaient leur foi à leurs concitoyens par peur des représailles ; si ce n’était leur présence au milieu des païens, Allah vous aurait rendu maitre des lieux et aurait livré les païens à vos épées pour que vous les exterminiez jusqu’au dernier. Néanmoins, vous n’êtes pas en mesure de distinguer entre les bons et les mauvais et vos coups risquent de toucher des innocents : [qu’il vous est impossible de reconnaitre et que vous risquez de prendre malencontreusement pour cible, en vous rendant ainsi coupable à votre insu, d’un vilain crime] ; vous vous rendriez coupable d’un homicide et devriez supporter le prix du sang ; [Nous les aurions offerts à vos épées ; mais Allah donne à qui Il veut l’occasion d’entrer sous Sa Miséricorde] : Il va retarder la punition le temps que les musulmans soient en lieu sûr.

 

Il offre ainsi l’occasion à beaucoup d’impies de se remettre en question et d’embrasser enfin l’Islam ; [si donc les croyants avaient été séparés des impies] : s’il avait été possible de distinguer les croyants qui vivent au milieu des païens ; [Nous aurions infligé à ces derniers par vos mains, un châtiment terrible] ; Il vous aurait livré les païens pour que vous les passiez au fil de l’épée. »

Les dommages collatéraux relèvent du cas de force majeure

Dans son tafsîr, Qurtubî discute autour de ce Verset en s’appuyant notamment sur une parole de l’Imâm Mâlik interdisant de prendre pour cible des musulmans pris en otages par les païens. Puis, il relativise son discours en disant : « Il y a des cas où il est permis de viser indistinctement tous ceux qui se trouvent dans le camp ennemi, et je ne pense pas qu’il y ait de désaccord sur ce point, in shâ Allah ; à condition qu’il s’agisse d’un cas de nécessité supérieure sans qu’il n’y ait la moindre contestation possible sur la chose.

Nous parlons de « nécessité » quand il n’y a pas d’autre façon d’atteindre l’ennemi que de viser les otages.

Et nous parlons de « supérieure » quand c’est l’intérêt supérieur des musulmans qui est en jeu, dans le sens où leur sécurité est mise à mal et que c’est le seul moyen, aussi extrême soit-il, de repousser une invasion.

« sans qu’il n’y ait la moindre contestation possible sur la chose » : sur les objectifs à atteindre en cas d’attaque de la cible, que l’intérêt soit palpable, et que la moindre éventualité d’échec soit évacuée.

En tenant compte de tous ces paramètres, aux yeux des savants, il ne convient pas d’hésiter une seconde à lancer l’assaut. Morts pour morts, les otages ne seront pas sacrifiés pour rien, car de toute façon, leurs geôliers ne comptent pas leur laisser la vie sauve, et leur mort aura servi à épargner les musulmans d’une invasion massive.

Elle aura servi également à la débâcle de l’ennemi ; il y a donc un double intérêt à les viser. Il serait insensé, dans ces conditions, d’hésiter, car le danger ne plane pas seulement sur les otages, mais sur la religion et tous ses adeptes.

Il est vrai que cette initiative n’est pas sans inconvénient. C’est pourquoi, elle répugne au premier abord, mais en y réfléchissant bien, ses inconvénients ne sont rien ou presque en regard des avantages escomptés, wa Allah a’lam ! »

Le traitement des innocents lors d’une mission commando

Voici l’histoire qui relate l’assassinat d’Abû Râfi’ ‘Abd Allah ibn el Huqaïyiq, le juif qui ennuyait le Messager (r) ; il le dénigrait sans arrêt et appelait à son meurtre. Dans son recueil e-sahîh, el Bukhârî immortalise l’évènement. On peut y lire ‘Abd Allah ibn ‘Atîq (t), le tueur volontaire, reconstituer les faits dans leurs moindres détails : « J’entrai dans la maison où il faisait très sombre. Je ne savais pas où il se trouvait, et il était entouré de sa famille. Je criais : « Hé, Abû Râfi’ !

qui est là, cria-t-il apeuré ? »

Je me dirigeais en direction de la voix et assenai, perplexe, un grand coup d’épée dans le noir, sans savoir qui je visais réellement. Il cria. Je sortis sur-le-champ, et me tenais non loin de la maison. J’attendis un instant et entrai à nouveau : « Quel est ce bruit Abû Râfi’, hurlais-je ?

Maudite soit ta mère, lança-t-il d’une voix fulminante ! Il y a un homme dans la maison qui vient à l’instant de me donner un coup d’épée. »

[Après avoir repéré la voix,] poursuit-il, je lui infligeai une nouvelle blessure, mais sans parvenir à l’achever. Je lui pointais alors mon épée sur le ventre et la fit ressortir de l’autre côté. Là, je sus qu’il était mort. »[14]

Une autre version du hadîth donne de plus amples précisions sur les circonstances de la mise à mort. Selon ‘Abd Allah ibn Ka’b ibn Mâlik, les protagonistes grimpèrent dans l’une des chambres où il se trouvait. Sa femme, qui les avait sentis, signala leur présence en poussant un cri. Ils avaient reçu pour consigne par le sceau des Prophètes (r) de ne tuer ni femme ni enfant. Un homme du groupe voulut la frapper de son glaive, mais retint son bras quand il se rappela les consignes. Ils se jetèrent comme un seul homme sur la cible qu’ils transpercèrent de leurs lames. ‘Abd Allah ibn Unaïs lui donna le coup de grâce en lui enfonçant de tout son poids son épée en plein ventre.[15]

Sheïkh el Islâm commente : « Je me suis appuyé sur cette histoire pour dissiper l’allégation erronée selon laquelle l’interdiction du meurtre de femmes viendrait abroger la loi qui aurait été en vigueur avant la conquête de La Mecque. Il va sans dire qu’aux yeux des savants, une telle pratique n’a jamais été autorisée. Si on regarde la chronologie et la teneur des textes sur la guerre, nous nous rendrons compte de la véracité de ce propos.

Aucun assaillant n’eut en tête de prendre pour esclave les membres du sexe opposé qui se trouvaient cette nuit-là derrière l’enceinte d’ibn el Huqaïyiq. Elles jouissaient encore de tous leurs droits sous la protection des habitants de Khaïbar bien avant la prise des lieux saints. Sans compter qu’au cours de l’opération, l’une des occupantes poussa un cri qui risquait de tout faire échouer. Pourtant, personne ne lui posa la main dessus, car trop tétanisée par la peur, elle était hors d’état de nuire. »[16]

Le point qui nous intéresse ici est que le Compagnon prit toutes les précautions du monde pour éviter toute bavure. Pourtant, la famille du défunt était tout autant que lui des Hébreux, et il faisait tellement sombre qu’il était impossible de le distinguer des autres membres de la pièce.

 

Autant de précautions portaient préjudices, car elles faisaient perdre un temps précieux ; il dut s’y prendre en plusieurs fois, et rata sa cible à deux reprises ; il était en territoire hostile et du renfort aurait pu débarquer en surnombre d’un moment à l’autre ; la femme chercha à donner l’alerte, mais sa détermination d’épargner des innocents resta intacte. Nous sommes à des années lumières des attentats terroristes actuels.

Ibn Hajar énumère les leçons à tirer de cette anecdote, dont : « Mâlik et Awzâ’î stipulent qu’il n’est en aucun cas permis d’attaquer des femmes et des enfants, quand bien même l’ennemi s’en servirait comme bouclier humain, ou qu’ils se cacheraient au milieu d’eux dans une forteresse ou un navire. Cela ne justifie ni de les prendre pour cible ni de tout faire brûler. »[17]

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

[1] Rapporté par Tirmidhî (1395), et Nasâî (3987), et ibn Mâjah (2619) ; il a été authentifié par el Albânî – qu’Allah le reçoive dans Sa Miséricorde –.

[2] Le repas céleste ; 32

[3] Les femmes ; 93

[4] Les femmes ; 93

[5] Hadîth authentique rapporté par Nasâî (4010).

[6] Hadîth authentique rapporté par Tirmidhî (1398).

[7] Hadîth jugé bon ; il est rapporté par ibn Abî Shaïba (5/434) et Tabarânî dans majma’ e-zawâid (7/300) ; Tabarânî (10/10407) et d’autres spécialistes rapportent un énoncé de ce genre qu’ils font remonter à ibn Mas’ûd.

[8] Rapporté par Muslim (4816).

[9] Le bétail ; 164

[10] Rapporté par el Bukhârî (3014) et Muslim (4568).

[11] Allah (I) révèle : [Combattez sur le sentier d’Allah ceux qui vous combattent mais ne transgressez pas les limites] [La vache ; 190]. Ibn Taïmiya établit qu’il n’est pas permis de s’en prendre à des innocents. Parmi les limites à ne pas transgresser, il y a notamment le meurtre des femmes et des enfants, et de faire la guerre à des peuples qui n’affiche aucune hostilité. Ainsi, la condition de pouvoir combattre une personne, c’est qu’elle prenne les armes.

 

Il n’est pas permis de tuer un mécréant d’origine (contrairement à l’apostat) qui ne prend pas part au combat selon la plupart des savants à l’instar d’Abû Hanîfa, de Mâlik, et d’Ahmed. Il ne faut pas tuer quiconque ne participe ni de près ni de loin aux conflits tels que les femmes, les enfants, les moines, les aveugles, et les vieillards conformément à la tendance de la majorité des savants. En revanche, ceux qui associent leur voix ou qui prêtent main forte aux combats à l’exemple de Hind et de certaines autres femmes qui ont connu un sort tragique lors de la prise de la Mecque, ont le statut de combattant.

En principe, le sang humain est sacré ; en dehors d’une raison légitime, il est interdit de le verser. Tuer une personne sous prétexte qu’elle est mécréante n’est pas un principe sur lequel s’entendent les différentes législations divines à travers les époques contrairement à la mise à mort pour meurtre que s’accordent à reconnaître la religion et la raison. Le jour de la Conquête de la Mecque, le Prophète (r) a laissé en vie tous les combattants ennemis à l’exception de certains d’entre eux dont le crime ne pouvait rester impuni comme celui de ‘Abd Allah ibn Khatal. Ainsi, il ne tuait pas un ennemi simplement sous prétexte qu’il était mécréant ou qu’il était en guerre. Voir : http://mizab.over-blog.com/article-ibn-taimiya-m-728-1328-repond-a-benoit-xvi-66678745.html

[12] Rapporté par Abû Dâwûd (2669), et authentifié par el Albânî.

[13] La grande conquête ; 25

[14] Rapporté par el Bukhârî (4039).

[15] Rapporté par el Wâqidî dans el maghâzî (1/292-294), ibn Hishâm dans e-sîra (2/275), el Baïhaqî dans dalâil e-nubuwwa (4/34), avec une chaine narrative jugée « bonne ».

[16] E-sârim el maslûl (2/258).

[17] Fath el Bârî (6/147).

 

Tag(s) : #Non aux attentats
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