L’effort du savant (Ijtihâd Al ‘Âlim)

L’effort du savant (Ijtihâd Al ‘Âlim)

Voici une petite anecdote qui nous montre toute l’humilité et la sobriété de ce grand imam qu’était Abû Hanîfah (qu'Allah lui fasse miséricorde) devant toute la spontanéité, la sincérité et la vérité qu’un enfant peut prononcer devant un adulte quand bien même il serait un imam et un savant reconnu. Cette anecdote contient de très nombreux enseignements, notamment la notion de retenue : retenue dans le comportement, retenue dans la science, etc.

Un jour donc, l’imam Abû Hanîfah vit un enfant jouer avec de la boue, alors il lui a dit : « Ô jeune garçon ! Attention à ne pas chuter et tomber dans la boue ! » L’enfant répondit alors à l’imam Abû Hanîfah : « Et toi aussi, ô imam, fais attention à ne pas chuter et tomber... Car, certes, la chute du savant est [synonyme de] la chute du monde ! » Après avoir entendu la parole de cet enfant, l’imam Abû Hanîfah ne rendit pas [ou plus] de fatwa concernant un sujet qui lui était soumis sans l’avoir étudié au préalable durant un mois complet avec ses élèves. Hâchiyah (1/67), Ibn ‘Âbidîn.

Dans le noble Coran, Allah dit : {Ô vous qui avez cru ! Obéissez à Allah et obéissez au Messager, et aux détenteurs de l’autorité parmi vous.} (Les Femmes, 4 : 59). Cheikh Sa’dî (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit : « Les détenteurs de l’autorité sont ceux qui ont l’autorité sur les gens parmi : les gouvernants, les dirigeants et ceux qui émettent des fatwas. […] La condition de l’obéissance à ces personnes est qu’elles n’ordonnent pas une désobéissance à Allah auquel cas alors « Il n’y a pas d’obéissance à la créature dans une désobéissance au Créateur. » Et ceci est peut-être le secret [et la subtilité] dans l’élision du verbe « obéir » concernant l’ordre de leur obéir alors qu’Allah a bien répété ce verbe lorsqu’Il a mentionné d’obéir à Son Messager et l’a accolé à Son obéissance. »

Dans un hadith authentique, le Prophète  a dit : « Ce que je crains le plus pour ma communauté ce sont les imams égareurs. » Silsilah Al Ahâdîth As-Sahîhah (n°1582), Al Albânî.

Ibn ‘Abd Al Barr (qu’Allah lui fasse miséricorde) rapporte : « Le savant n’est pas exempt d’erreur. Quiconque commet peu d’erreurs et a souvent raison est un savant et quiconque a parfois raison mais se trompe souvent est un ignorant. » Jâmi’ Bayân Al ‘Ilm Wa Fadlih (2/48)

Ibn Al Qayyim (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit : « Le savant commettra inévitablement des erreurs car il n’est pas infaillible (Ma’sûm). Ainsi donc, on ne doit pas accepter de manière absolue tout ce qu’il dit et le placer au même rang de quiconque est infaillible. » I’lâm Al Muwaqi’în (2/173)

Il (qu’Allah lui fasse miséricorde) a aussi dit : « Quiconque est versé dans les sciences religieuses sait de science certaine que le grand savant qui marche d’un pas ferme dans le sentier de l’Islam et y laisse des traces bénéfiques peut, malgré la haute place qu’il occupe dans l’Islam et aux yeux de ses disciples, faire un faux-pas. Mais il est excusé pour cela ; bien plus, il est récompensé pour son effort (Ijtihâd). Ainsi donc, il n’est pas permis qu’on le suive dans ce faux-pas ; toutefois, il n’est pas non plus permis de rabaisser son rang et son titre d’Imam dans les cœurs des musulmans. » I’lâm Al Muwaqi’în (3/295).

L’Imam Adh-Dhahabî (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit : « Si, à chaque fois qu’un Imam commet une erreur bénigne dans son effort sur les questions singulières, nous nous dressons contre lui, le traitons d’innovateur et mettons en garde contre lui, alors ni Ibn Nasr, ni Ibn Manda, ni quiconque autre qui sont encore plus éminents que ceux deux-là ne nous auraient échappé. Allah est Celui qui guide la créature vers la vérité et Il est le Plus Miséricordieux des miséricordieux. Nous implorons la protection d’Allah contre la passion et la rudesse. » Siyar A’lâm An-Nubalâ’ (14/39-40)

Il (qu’Allah lui fasse miséricorde) a également dit : « Si nous humilions et traitons d’innovateur toute personne qui commet une erreur dans son effort personnel (Ijtihâd) – alors qu’il a une foi correcte et s’efforce de suivre la vérité – alors très peu d’Imams trouveraient grâce à nos yeux. Qu’Allah leur fasse miséricorde par Sa grâce et Sa générosité. » Siyar A’lâm An-Nubalâ’ (14/376).

Ibn Rajab Al Hanbalî (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit : « Allah a refusé l’infaillibilité (Al ‘Ismah) à tout autre livre que Son Livre. Ainsi donc, la personne équitable et juste est celle qui pardonne à quiconque les quelques erreurs qu’il a commises au regard de ses nombreux avis justes. » Al Qawâ’id (page : 3).

Yahyâ Al Mu’allimî Al Yamânî (qu’Allah lui fasse miséricorde) a dit : « Pour prix de son effort, son intention sincère et son sérieux, le savant est non seulement excusé mais plus encore il est récompensé [soit doublement pour prix de sa justesse (Al Isâbah) ; soit simplement pour prix de son effort entrepris (Al Ijtihâd)]. À la différence de quiconque suit aveuglément par imitation sans regarder les preuves issues du noble Coran et de la Tradition authentique [ainsi que du consensus des imams et savants de cette communauté]. » Âthâr Al Mu’allimî Al Yamânî (2/294).

Enfin, terminons avec cette parole de l’éminent savant et Muhaddith de Médine, cheikh ‘Abd Al Muhsin Al ‘Abbâd (qu’Allah le préserve) : « Personne n’est infaillible excepté le Messager d’Allah . Ainsi, le savant n’est pas exempt d’erreur et quiconque en commet une ne doit pas être suivi dans celle-ci. Cependant, on ne doit pas prendre cette erreur comme prétexte pour le dénigrer et mettre les gens en garde contre lui ; au contraire, on doit pardonner ses erreurs qui sont peu nombreuses à côté de ses nombreuses bonnes actions. Et lorsqu’il s’agit de savants qui sont déjà morts, alors on profite de leur science sans les suivre dans leur erreur et on invoque la miséricorde divine en leur faveur. Quant aux personnes vivantes, qu’il s’agisse d’un savant ou un étudiant en sciences religieuses, alors on doit les informer de leur erreur avec bienveillance et courtoisie pour les inciter à se corriger et revenir à la vérité. »


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