Cheikh Mohamed Ali Ferkous ( Qu' Allah le préserve )
La question :
Certains gens de science ont dit qu’il était permis à l’exorciseur d’exiger une rémunération contre son exorcisme. Prière de nous expliquer en détail s’il est permis à l’exorciseur d’exiger de l’argent ou autre. Et qu’Allah vous récompense.
La réponse :
Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu'Allah عزّ وجلّ a envoyé en miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection.
Ceci dit :
Il est permis de percevoir une rémunération à titre de Djou`âla (récompense, ou promesse de récompense) contre l’exorcisme si le sens et les expressions utilisés dans ce dernier sont clairs.
En effet, il n’est pas permis de pratiquer l’exorcisme en usant d’expressions prohibées, incompréhensibles ou illogiques, de crainte que cette pratique se soit identifiée avec les paroles des gens de fausseté.
Ceci implique que l’exorciseur soit loin des attributs qui peuvent tacher sa foi et son intégrité.
De plus, il est de son devoir d’avoir une croyance saine et une apparence conforme à la tradition du Prophète صلّى الله عليه وسلّم tout en réunissant les conditions de l’invocation, et ce, dans un contexte de crainte parfaite d’Allah, en ayant confiance en Lui et en Lui vouant une adoration sincère.
Ceci dit, même s’il est permis à l’exorciseur de percevoir une récompense contre son exorcisme, il ne méritera ce qu’il exige qu’après le rétablissement du malade et la disparition de l’effet de la maladie.
Cela est prouvé par ce qu’Al-Boukhâri a rapporté par l’intermédiaire d’Ibn `Abbâs رضي الله عنهما: « Qu’un groupe de Compagnons du Prophète passèrent par un endroit où il y a de l’eau, où quelqu’un fût piqué par un scorpion.
L’un des gens qui se trouvèrent dans l’endroit où il y a de l’eau vint aux Compagnons et leur demanda : « Y a-t-il parmi vous quelqu’un qui pratique l’exorcisme[1] ?
Car il y a près d’ici une personne piquée par un scorpion ». L’un des Compagnons se rendit où se trouva le patient et récita la sourate Al-Fâtiha (L’Ouverture) contre un troupeau d’ovins.
Le patient se rétablit et le Compagnon repartit et amena le troupeau aux Compagnons qui détestèrent cela et dirent : « Tu prends une rémunération contre la récitation de la Parole d’Allah ?! ».
Quand ils revinrent à Médine, ils dirent au Prophète : « Ô ! Prophète d’Allah, il a pris une rémunération contre la récitation de la Parole d’Allah ». Le Prophète dit alors : « La rémunération la plus justifiée est celle que vous prenez contre la récitation de la Parole d’Allah »[2].
Al-Bukhâri a rapporté - aussi – : « Qu’un groupe de Compagnons du Prophète, arrivés dans une tribu arabe, demandèrent l’hospitalité qui leur fut refusée. Sur ces entrefaites, le chef de la tribu ayant été piqué par un scorpion, les Bédouins dirent aux Compagnons : « Avez-vous quelque remède, ou y a-t-il parmi vous un exorciseur ? Du moment, répondirent les Compagnons, que vous ne nous avez pas donné l’hospitalité, nous ne ferons rien tant que vous ne nous aurez pas fixé d’avance une rétribution ».
Ils fixèrent un petit troupeau de moutons comme rétribution. Un Compagnon récita alors la première sourate du Coran et passa de sa salive dans la bouche du chef qui guérit.
On amena les moutons, mais les Compagnons dirent qu’ils n’y toucheraient pas avant d’avoir consulté le Prophète.
Celui-ci, consulté, se mit à rire et dit : « Comment savez-vous que cela constituait un exorcisme ? Prenez les moutons et réservez-m’en une part »[3].
Ce hadith indique qu’il est permis de percevoir des rémunérations contre l’exorcisme, car le Prophète صلّى الله عليه وسلّم a approuvé la stipulation que le Compagnon avait faite. Et le fait que le Prophète صلّى الله عليه وسلّم leur a demandé de lui réserver une part indique aussi que les rémunérations données contre l’exorcisme sont permises, ce qui est connu sous le nom de « promesse de récompense ».
Cependant, l’exorciseur ne méritera que l’on honore cette promesse qu’après la réalisation de la tâche convenue et la condition exigée par la personne contractante comme il paraît dans ledit hadith.
Par ailleurs, la promesse de récompense diffère du salaire en ce qui concerne l’incertitude de l’effet de l’action dans le cas de la promesse de récompense : le rétablissement du malade n’en est pas sûr.
Aussi, les promesses de récompenses sont valables sans la désignation de ses auteurs, alors que dans le cas du salaire, la tâche doit être déterminée et l’auteur doit être désigné.
Cela dit, et afin de ne pas confondre entre la promesse de récompense et le salaire, [il y a lieu de dire que] l’exorcisme est une sorte de traitement ; ce que l’on en obtient sont des récompenses, et il est permis de toucher une rétribution contre un traitement prodigué. Ainsi, la promesse de récompense a un sens plus large que le salaire ; pour cela, elle est permise sans la détermination de la tâche et de la durée.
Du reste, même s’il est permis à l’exorciseur d’obtenir une rémunération après le rétablissement du malade, il ne doit pas être trop exigent. Son exigence doit être en fonction du besoin, et sans surcharger le malade de frais.
Et il est préférable de ne pas exiger de conditions ou de compensations pécuniaires dans la pratique de l’exorcisme, car l’objectif que l’on devrait viser par ce dernier est d’aider les musulmans, de leur épargner la nuisance et de repousser le mal qui pourrait leur arriver sans pour autant leur porter atteinte, en n’aspirant par cet acte qu’à la récompense d’Allah. Certes, Il est garant d’accorder subsistance et récompense.
Il convient aussi de souligner que l’exorciseur doit aider ses confrères en cas de besoin et de possibilité, et il doit le faire avec justice.
Il ne doit pas se consacrer complètement à l’exorcisme en prenant cette pratique comme source de subsistance, car les Salafs (Pieux Prédécesseurs) et les imams bien guidés n’étaient pas accoutumés à cela, quoique certains parmi eux fussent connus de voir leurs invocations exaucées ; comme il y avait bien des raisons qu’on s’y consacre complètement à leur époque [et on ne s’y consacrait pas].
Le savoir parfait appartient à Allah عزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu'Allah, Seigneur des Mondes, soit loué et que paix et salut soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu'au Jour de la Résurrection.
Alger, le 14 Rabî` Ath-Thâni 1429 H
Correspondant au 20 avril 2008 G
[1] Il y a lieu de signaler ici que le sens du mot Roqya en Arabe, traduit par « exorcisme » en français, est plus large que le fait de chasser les démons. Il comprend aussi, comme dans ce hadith, le traitement des piqûres de scorpions, de serpents, du mauvais œil…etc. moyennant la récitation de versets du Coran ou des évocations. Note du traducteur.
[2] Rapporté par Al-Boukhâri dans Es-Sahîh, chapitre de « La médecine », concernant l’exigence d’un troupeau d’ovins contre la pratique de l’exorcisme (hadith 5405) et par Ibn Hibbân dans Es-Sahîh (hadith 5146), par l’intermédiaire d’Ibn `Abbâs رضي الله عنهما.
[3] Rapporté par Al-Boukhâri dans Es-Sahîh, chapitre de « La médecine », concernant l’exorcisme moyennant la première sourate du Coran (hadith 5405) et par Mouslim dans Es-Sahîh, chapitre du « Salut », concernant le fait de percevoir un salaire contre l’exorcisme moyennant le Coran et les invocations (hadith 5733), par l’intermédiaire d’Abou Sa`îd Al-Khoudri رضي الله عنه.
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